Une nuit étoilée de milles feux et un silence impeccable régnaient sur la banlieue Nord de Seattle. Au coeur d'une villa aux multiples et grandes portes et fenêtres de fer forgé en vitraux aux couleurs pâles mais éclatantes dont les dessins se reproduisaient en éclats grâce à la pleine lune sur le parquet ciré, la sonate au clair de Lune de Beethoven, provenant d'une chaine hifi programmée, vint pourtant troubler l'aspect d'immortalité qu'offrait jusque là le calme des lieux.
Tout en descendant son grand escalier à la structure d'ébène et aux marches de fer forgé, Sabina Elliot baillait aux corneilles tout en se frottant les yeux comme une enfant de cinq ans - bien qu'elle n'en avait jamais que le quintuple. Il fallait dire que la demoiselle n'avait pas vraiment dormi, étant arrivé la veille vers 21 heures pour s'occuper son déménagement, sans compter les diverses course qu'elle avait du faire à travers la ville pour régler les derniers gros détails.
Entrant dans le salon, elle s'affala dans son canapé de cuir brun comme du chocolat au lait, attrapa machinalement la télécommande et baissa le volume de l'appareil tout en observant les piles de cartons grossièrement entassées dans son salon avant de rejeter lassivement la tête en arrière pour laisser ses yeux quelques secondes de répits. Puis, observant la vieille horloge à coucou qui indiquait presque 7 heure et demi du matin, son cerveau encore endormi sembla se réactiver comme après une décharge électrique sur un coeur en arrêt. Elle se serait d'ailleurs mise à courir dans tous les sens, mais la demoiselle se prit les pieds dans un carton, ce qui lui rappela un autre détail en voyant l'étiquette de la société de déménagement de Philadelphie.
*Mince... c'est vrai que je suis encore callée aux horraires de la côte Est, moi...*
Sabina soupira de son étourderie d'avoir oublié de régler le décalage horaire de ses pendules, en avance désormais de cinq heures sur les nouvelles horaires du médecin légiste qu'elle était. Mais qui aurait pu l'en blâmer au fond ? Pour les morts comme pour les vivants, bien le sommeil fûsse encore indispensable, il n'empêchait pas les erreurs, il ne faisait que les réduire.
"Bon, ben maintenant que j'suis levée... Autant en profiter..."
*Et puis, de toute façon, jouer les marmottes, ça n'a ses avantages que pendant les congés payés !*
Filant quatre à quatre à l'étage, Sabina attrapa les premiers vêtements qu'elle trouva dans les deux cartons qu'elle avait fait déposé dans sa chambre et qui contenaient ses vêtements rangés respectivement dans l'ordre ou elle comptait les mettre au cours de la semaine. Puis la jeune fille se dirigea vers sa salle de bain, pris une longue douche et s'habilla rapidement avant de s'attacher les cheveux sans y porter la moindre attention. Elle s'observa brièvement dans la grande psychée en chêne sculpté que sa mère lui avait envoyé quand elle était encore à Philadelphie. Un jean taille basse d'une teinte noire, artificiellement délavé par le couturier, pour lui donner des nuances grisâtres, agrémenté d'une grande chaine nouée en ceinture sur ses hanches dont les deux extrémités lui arrivaient aux genoux, un chemisier cache-coeur d'un blanc cassé mais tendant assez vers un début d'ocre, aux manches longues évasées par un double voilage, le tout recouvert d'un long gilet, dans les mêmes nuances de noir et de gris que son jean, mais en coton et sans manches... Un style assez spécial, mais qui lui plaisait.
Satisfaite de son reflet, elle sortit de la salle de bain, rejoignit la chambre noire qu'elle avait demandé à inclure dans les plans d'aménagement de la villa avant son achat. Elle y rangea rapidement son appareil photo dans la sacoche ad hoc et les différents objectif qui l'accompagnaient, vérifia que les batteries étaient rechargées, referma le sac et répéta l'opération avec son ordinateur portable avant de redescendre le tout sur le plan de travail de la cuisine multifonction. Elle eut un bref regard désespéré en comparant la taille du frigo que sa mère avait fait installé aux trois ou quatre ridicules plats chinois à emporter et autres victuailles de première nécessité qu'elle avait elle-même acheté la veille... La différence laissait perplexe.
*N'empêche, la prochaine fois, si je dois déménager encore, j'éviterais d'accepter l'aide de maman... Quand elle s'y met, on dirait qu'elle s'attend à ce que j'invite la moitié du gotta entre New York et Los Angeles réunis... Enfin bref...*
Voyant que l'heure commençait quand même à tourner, elle se prépara rapidement un petit déjeuner classique, comme sa vieille Mary, la gouvernante de sa mère, lui avait appris à en faire : oeuf sur le plat, bacon, pancakes, jus d'orange... Basique, mais assez solide pour lui permettre de tenir toute la journée.
Une heure plus tard, Sabina sortait de la villa après avoir activé l'alarme et vérifié qu'elle n'avait rien oublié, et actionnait déjà la porte automatique du garage, dévoilant les formes d'une BMW décapotable noire qui n'attendait plus que sa propriétaire mette la clé dans le contact pour montrer à tout le nouveau voisinage ce qu'elle avait dans le ventre...
Sam 15 Déc - 23:26